Industrie 4.0 : comment l’aéronautique va se transformer
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La pression sur la production aéronautique ne fait qu’augmenter, dopée par un flot toujours plus important de voyageurs. Pour augmenter la productivité des usines, le passage à l’industrie 4.0 apparaît aujourd’hui comme la solution la plus efficace.
Pour relever le défi de productivité auquel elle est confrontée, l’aéronautique se doit de passer à l’heure de l’industrie 4.0. Dans les années à venir, elle va petit à petit intégrer toutes les nouvelles technologies numériques, logicielles et matérielles qui vont lui permettre de mettre en place un nouveau mode d’organisation et de nouveaux moyens de production.
Pascal Brier, directeur général d’Altran en charge de l’innovation, nous éclaire sur les quatre grands changements que va opérer l’industrie 4.0 dans la production aéronautique.
1. Un seul système de données
Aujourd’hui, l’aéronautique est organisée en trois gros silos que sont : l’ERP (Enterprise Resource Planning) qui correspond à la gestion administrative, le MES (Manufacturing Executing System), le système d’ordonnancement de la production, et enfin l’atelier, autrement dit le cœur des usines, celui dans lequel sont fabriquées les pièces. Dans leur fonctionnement actuel, ces trois entités ne sont pas liées. Ainsi, lorsqu’arrive un problème, la partie de l’usine concernée est mise en quarantaine le temps que l’information remonte dans les silos, ralentissant alors toute la chaîne de production.
Le premier impact de l’industrie 4.0 sera de reconnecter l’ensemble de ces silos de manière à créer une intégration verticale. Concrètement, des capteurs seront installés sur l’ensemble de la chaîne et enverront en permanence des données concernant l’état de la production mais aussi la gestion des stocks, les éventuels problèmes, etc.
« Grâce aux données transmises par les capteurs, l’industrie 4.0 offre une capacité d’analyse en temps réel de ce qu’il se passe dans l’usine et permet ainsi de réagir en direct aux éventuels problèmes »
Pascal Brier, directeur général d’Altran en charge de l’innovation
Cette intégration verticale permettra ainsi une chose essentielle : elle donnera la capacité de prendre des décisions au cœur de l’atelier sans passer par les différents silos. « Grâce aux données transmises par les capteurs, l’industrie 4.0 offre une capacité d’analyse en temps réel de ce qu’il se passe dans l’usine et permet ainsi de réagir en direct aux éventuels problèmes » précise Pascal Brier. De quoi éviter les systèmes de quarantaine si nocifs à la productivité.
2. De nouvelles technologies numériques de production
L’industrie 4.0 signifie aussi l’arrivée de nouvelles technologies numériques.
D’abord, l’usine va intégrer de nouveaux moyens de production, comme la modélisation 3D et la fabrication additive. Ces technologies vont permettre de concevoir des pièces avec moins de matière, plus légères, plus petites et donc moins chères à fabriquer.
En conséquence, les lignes de production vont se transformer. Elles seront composées d’équipements plus petits et plus flexibles pour la mise en production. « Aujourd’hui, on a tendance à acheter des énormes machines qui réclament deux ouvriers postés à plein temps pour s’assurer que tout fonctionne bien et qui bloquent toute la production s’il y a le moindre problème. Demain, il y aura 4 machines plus petites au lieu de deux très grosses. Ainsi, si l’une tombe en panne, le reste de la production continuera à fonctionner normalement ».
Enfin, l’ensemble de ces nouvelles machines étant numériques, elles offriront la possibilité d’analyser leur fonctionnement grâce à des logiciels d’intelligence artificielle qui réduiront les taux d’erreur et d’indisponibilité. Une étude de McKinsey montre ainsi que ces nouvelles machines peuvent réduire le coût de qualité de 10 à 20%, le coût de stock de 20 à 50% et le coût de maintenance de 10 à 40%.
« Toute la ligne de production va être bouleversée. Elle sera composée de plusieurs petites machines numériques, agiles et contrôlables à distance. Cela va changer la façon d’investir des entreprises » explique Pascal Brier.
3. Une « control room » centralisée
Si les machines sur la ligne de production sont toutes intelligentes et connectées, elles génèreront alors un énorme flot de données qu’il incombera à l’entreprise de collecter et d’analyser pour mieux réagir.
Cela implique la création de centres de contrôle – des « control rooms » – qui récolteront les données de plusieurs machines, voire de plusieurs sites de production. Ces centres monitoreront en temps réel l’activité de l’ensemble de la chaîne de production et utiliseront les données pour assister les opérateurs dans leurs tâches.
Les données peuvent être envoyées sur un dispositif mobile qui permettra aux décisionnaires de surveiller leur parc de machines n’importe où et à tout moment. « C’est presque une usine dans sa poche ! Regardez, dit Pascal Brier en tapotant sur son Smartphone, là je me connecte en temps réel à une usine en Espagne. J’ai accès aux données de toutes les machines ».
Ces control rooms ont de nombreux avantages. Elles donnent de la visibilité en temps réel, elles offrent la capacité de contrôler à distance la production, notamment pour réagir aux éventuels problèmes. Surtout, elles permettent de faire de l’analyse de données avancée et de créer ainsi des scénarios ou des simulations pour imaginer comment la productivité pourrait être améliorée.
4. L’interaction entre les hommes et les machines
L’industrie 4.0, c’est enfin l’avènement de la robotisation dans les ateliers. Les « cobots » ou robots collaboratifs sont conçus pour partager la peine entre l’homme et la machine, en confiant au robot l’aspect pénible de la tâche et en laissant à l’homme l’aspect décisionnel. Cela a de vraies conséquences positives sur le fonctionnement de l’atelier. « McKinsey estime ainsi que la productivité unitaire par poste pourrait être augmentée de 75% ! »
Mais ce n’est pas qu’une problématique de productivité, rappelle Pascal Brier. C’est aussi une question de sûreté. Les cobots vont ainsi permettre l’accès à des zones difficiles ou sensibles. Ils pourront par exemple s’approcher de sources de forte chaleur, de zones électriques, etc. « Il s’agit donc d’aller plus vite, tout en améliorant la sécurité des collaborateurs sur site. »
L’industrie 4.0 a déjà commencé son bouleversement au sein de l’aéronautique. L’intégration verticale de la production sera une réalité d’ici 2020, estime Pascal Brier. Une nouvelle donne qui ne va pas sans mettre au jour de nouveaux enjeux : « le garant de l’industrie 4.0 est sans conteste la cyber-sécurité. La réflexion sur la protection des données numériques est au cœur de la transformation de nos industries ».
Pascal Brier est, entre autre, en charge d’un World Class Center dédié à l’advanced manufacturing (industrie 4.0, smart manufacturing). Il s’agit d’un centre d’expertise mis en place par Altran pour offrir à ses clients les possibilités de mise en œuvre de l’industrie 4.0 dans leurs secteurs. Ce World Class Center sera lancé très prochainement.